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La petite histoire de la musique au Madawaska

Il y eut dans notre région un goût sans cesse croissant pour le chant, la danse et la musique instrumentale. Au XIXe siècle, les jeunes filles qui fréquentaient l'Académie de Madawaska, dirigée par les Sœurs de la Charité entre 1858 et 1873, eurent la possibilité d'apprendre le piano. Les Hospitalières de Saint-Joseph continuèrent l'œuvre lancée par leurs devancières et organisèrent de nombreuses séances de musique, de chant et de saynètes.

Au début du XXe siècle, un certain monsieur Martin, violoniste, a donné des cours de musique dans les écoles de la région. Le docteur P.-H. Laporte et ses fils [sic], le docteur Paul-Carmel et le photographe Sydney, ont apporté leur contribution musicale à la région en dirigeant des fanfares et une chorale. L'intérêt pour la musique connut un grand essor dans les années 30 grâce à Monsieur Léo Poulin. Embauché par la ville d'Edmundston pour s'occuper des fanfares, il fut un animateur des plus chevronnés, s'occupant des fanfares pour adultes et pour jeunes, garçons et filles.

La fanfare pour filles, en particulier, fit de Léo Poulin un véritable innovateur, car à l'époque on n'était pas habitué à voir des dames souffler dans un instrument à vent. Cette fanfare les prépara à participer aux orchestres de femmes dans l'armée (les KWAC) durant la dernière guerre mondiale.

Léo Poulin et ses musiciens participèrent à de nombreux concerts à Chicoutimi, Rimouski, Rivière-du-Loup et Woodstock (N.-B.) où le groupe remporta les honneurs d'un concours international en 1932. Monsieur Poulin organisa aussi des « Ministrel Shows », sorte de vaudeville musical très populaire à l'époque. Il fut également professeur de musique dans les écoles de la ville où il réussit à introduire le sujet aux examens de fin d'année. La musique eut, pour ainsi dire, ses lettres de créance à ce moment-là et fut reconnue au même titre que les autres sujets enseignés. De plus, Léo Poulin commença l'Harmonie d'Edmundston avec Louis-Joseph Lachance et les meilleurs musiciens de la région. L'activité musicale fut telle à cette époque qu'elle valut à Edmundston d'être reconnue comme la ville « la plus musicale » du Canada; cette enviable réputation fut véhiculée pendant longtemps par les dépliants et les bouquins touristiques qui ont parlé de notre coin de pays.

La succession de Monsieur Poulin fut assurée par Louis-Joseph Lachance. En plus de donner des cours privés de chant et de piano à sa résidence et au collège Saint-Louis, il occupa le poste de maître de chapelle à la cathédrale d'Edmundston. Il enseigna pendant un certain temps la musique dans les écoles de la ville. Avec le concours des membres de la chorale de la paroisse Immaculée-Conception et de chanteuses d'autres paroisses, Monsieur Lachance monta plusieurs opérettes qui connurent un franc succès. Ces opérettes furent jouées dans l'ancienne salle Saint-Louis, le « Drill Hall » des baraques militaires qu'occupait le Collège; c'était la seule grande salle de concert disponible à la fin des années 40. Mentionnons parmi ces opérettes « Royal dindon » et « Les Cloches de Corneville » qui exigèrent trois représentations.

Un autre domaine qui suscita un goût pour la musique classique et dont L.-J. Lachance s'occupa pendant plusieurs années furent les « Community Concerts ». Ces concerts parrainés par la Columbia Records ont amené chez nous de grands artistes internationaux.

Le chant choral a également connu une effervescence surtout grâce à l'initiative des maisons d'enseignement tenues par des religieux et religieuses. Leurs concerts ont souvent mis en valeur les plus beaux aspects de cet art musical : le chant grégorien, le « negro spiritual », le folklore canadien-français et le chant classique. Au début des années 80, Monsieur Hercule Pelletier, organiste, fonda un chœur de chant « Les Balladins du dimanche » dont les concerts furent reconnus pour leur excellence.

Il y eut même un intérêt pour le ballet dans notre coin de pays. Sœur Larose fonda au Collège Maillet une école de ballet dirigée par une Française, Mlle Landon. À Edmundston, Mlle Janice Lecouffé dirigea une école privée de ballet au début des années 60.

Une école de danse folklorique est fondée en 1955 au Collège Maillet par Sœur Henriette Raymond, directrice de la célèbre et dynamique « Troupe folklorique du Madawaska ». Vint par la suite, le groupe des « Danseurs de la Vallée » dirigé par Richard Therrien, ancien élève de Sœur Raymond. Ces deux troupes sont reconnues comme les ambassadrices de la République en Amérique et en Europe.

Il y a également au Madawaska un attrait très marqué pour les danses populaires : le jazz, le rock, le genre western, mêlé au folklore traditionnel. Ce dernier genre demeure très en vogue dans les soirées des clubs d'Âge d'or des diverses paroisses du Nord-Ouest.

Il convient de mentionner que le poste C.J.E.M. consacra, il y a quelques années, un programme radiophonique hebdomadaire aux talents locaux. Ce programme « Au pays du Madawaska » eut parmi les artistes invités, Jeanne Landry, pianiste et chanteuse, Carmelle Gaudreau, mezzo, Omer Cormier, violoniste, Alice Picard, trompettiste et beaucoup d'autres.

Sous la direction du premier supérieur du Collège Saint-Louis, le Père Simon Larouche, eudiste, l'Harmonie d'Edmundston connut un franc succès. Par la suite, l'orchestre fut dirigé par Georges Guerrette, gérant du poste C.J.E.M., puis, par le Père Camille Albert, eudiste.

Les festivals de musique, initiative de Madame Audrey Côté-Saint-Onge, eurent également un impact important sur la formation des jeunes. Les plus âgés se souviendront du premier festival qui se déroula en 1948 dans la salle Saint-Louis des baraques : Après quelques années de franc succès, les festivals connurent une éclipse, puis une renaissance au début des années 60 grâce à John Vallilée. Les festivals mettaient l'accent sur le piano, le chant et la danse. Depuis la fondation, par Roger Ouellette, comptable de l'École Richelieu en 1975, les jeunes peuvent s'initier à d'autres instruments de musique : les bois et les cuivres ont fait leur apparition.

Enfin et non les moindres, deux écoles de violons furent fondées par l'Abbé Lionel Daigle, curé de Clair, maintenant à sa retraite. Il donna des cours gratuitement, d'abord aux « Jeunes violonistes de Clair », puis maintenant aux « P'tits violons de Saint-Basile ». Depuis sa résidence au Couvent, l'abbé Daigle accueille comme élèves les enfants de la maternelle aussi bien que les adultes. Pour sa contribution généreuse au monde musical de la région, le Père Daigle a reçu une médaille de Madame Jeanne Sauvé, gouverneure générale du Canada.

Les gens de la vallée supérieure du Saint-Jean aiment la musique, le chant et la danse et ils l'expriment avec entrain depuis 1979 lors de la Foire Brayonne annuelle que Richard Therrien décrit ainsi :

La « Brayonnerie », c'est le « reel », le quadrille et la gigue; c'est une « swing » à gauche, une « swing » à droite; c'est violon, chanson, musique; c'est la grande fête populaire annuelle, la Foire Brayonne qui fait éclater l'âme du peuple, la joie de notre héritage culturel. Notre folklore, on le mange, on le conte, on le chante, on le danse. Place à la fête... Pendant quelques jours, la ville du « P'tit-Sault », capitale de la République du Madawaska, se transforme en un vaste terrain de jeux, en une immense piste de danse. Les Danseurs de la Vallée, nos poètes du mouvement, viennent nous raconter l'âme de notre coin de pays. Ils nous offrent un spectacle éblouissant, riche en couleurs. La « Brayonnerie », c'est également Monsieur Typique, notre mascotte, le personnage de la fête. II allume les sourires et distribue joie et bonheur à la foule.

Claude Picard
1989
Université de Moncton campus d'Edmundston Société Historique du Madawaska Ville d'Edmundston Patrimoine Canadien